Vivre heureux

Apprendre à écrire ?

 

Le cabaret d’écriture

Ces dernières années ont été douloureuses pour beaucoup d’entre nous, et pour faire face aux restrictions et au chagrin – avec peut-être comme véritable raison le fait que moi je n’y parvenais plus de la même façon – j’ai tendu une main vers votre désir d’écrire.
C’est ainsi qu’est né le « Cabaret d’écriture » sur Instagram (dont je rouvre parfois les portes et qui se développera peut-être…) pour laisser venir les mots, se donner confiance, offrir un élan à sa créativité, se sentir moins seul devant cette étrange nécessité de la page à noircir… ou tout simplement s’amuser.
Vous étiez plus d’une trentaine à tenter l’aventure, et à transformer votre audace en générosité, en publiant vos textes. Merci !

 

De l’audace, oui, je pourrais même dire du courage, car on met beaucoup de soi dans l’écriture, et qui plus est lors d’exercices chronométrés, en laissant courir sa plume de façon spontanée, sans avoir le temps de trop se questionner (et donc de trop se censurer) et en laissant l’inconscient prendre un peu les commandes.
En écrivant, on tisse un linge de fils inextricables entre ses émotions et sa pensée, et même sans le vouloir ou en être conscient, on dévoile une part d’intime : les thèmes qui nous touchent, les sujets qui nous habitent, des souvenirs, des influences qui nous nourrissent… Et sur les réseaux sociaux, on se soumet (par dessus le marché !) au regard d’un public exigeant car pressé !
Être caché derrière l’écran ne facilite pas toujours les choses. Ça ne rend pas toujours plus brave.
Sans la réalité physique d’un cercle d’écriture, sans l’expérience partagée par les les voix et les regards, sans cette énergie palpable (et porteuse) pour se lancer, il n’est pas rare de se paralyser…
Se savoir lu par une foule anonyme peut donner le vertige. Et à cette idée, il est encore plus compliqué de chasser tout orgueil, de ne pas se juger, de ne pas se comparer.

 

Je renouvelle donc mes félicitations, à celles (et celui) qui avaient répondu à cet appel, malgré leurs craintes et hésitations.
(Quand notre moi profond a un désir à assouvir et se sait capable malgré tous nos mécanismes d’empêchements, forcement, ça bataille !)

 

NB : Pour moi aussi, en endossant ce rôle d’animatrice, une limite a été repoussée malgré de nombreux doutes ! (Car face à la page blanche, je me sens tout autant apprenante que vous.)

 

Ce n’est pas parce que c’est difficile, que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas, que c’est difficile.
Sénèque

Je vais vous dire un grand secret

Et si ma légitimité pour vous guider n’avait pas été une certaine expérience de ces ateliers, ni même le fait d’écrire… mais plutôt d’oser le dire ?

 

Je me suis souvent demandé s’il n’était pas trop naïf de ma part (ou au contraire trop prétentieux ?) d’oser en parler, d’oser avouer que j’écris, que je bataille depuis quelques années à rendre moins bancal un manuscrit, et de m’exposer ainsi à une attente, que j’ai moi-même créée, sans chercher à me protéger.
N’était-ce pas une erreur d’avoir levé ce secret ? (J’ai en revanche gardé pour moi la substance de mon projet !) Je ne peux plus faire marche arrière, c’est fait… mais à bien y réfléchir, de cet aveu, je retire un soulagement et une certaine fierté.
C’était le premier grand saut nécessaire pour moi, pour me défaire d’un sentiment d’imposture et de gêne (et d’un petit excès d’égo) et le signe que je me sentais enfin prête. Je ne veux pas dire par là à la hauteur mais prête : prête à accepter que cette volonté, ce besoin, m’habitent. Prête à passer de la solitude immense, pudique, délicieuse et mystérieuse d’écrire, à celle de se dévoiler. (Et à une forme de vulnérabilité)

 

L’attitude la plus courante pendant la phase d’écriture d’un premier livre, est pourtant d’en faire un mystère. Ensuite seulement, lorsqu’il est achevé voire publié, vient le récit des doutes et du labeur.
Mais pour quelles raisons un livre aurait-il besoin d’apparaître comme par magie ?
Pourquoi fait-on ce choix ? Est-ce par pudeur ? Par superstition ? Par délectation du secret dont la créativité doit s’entourer ? Pour dresser une frontière avec cette vie intime, parallèle – et difficile à expliquer – qu’est l’écriture ?

 

N’est-ce pas aussi le regard autoritaire de la société sur une entreprise sans certitudes, qui se joue là ? L’appréhension de passer pour une personne en dehors des réalités, une personne se faisant des illusions sur ses capacités et son talent ? Ou la culpabilité de se consacrer à ce qui semble « inutile » ?
N’est-ce pas la peur de ne pas arriver au bout, et de décevoir ? Et la peur de sa propre déception, doublement difficile à avaler si elle ne passait pas inaperçue ?

 

Pourquoi seuls les auteurs reconnus auraient ce privilège ? Celui de dire qu’ils sont en train d’écrire.
C’est tout de même un drôle de paradoxe, ce silence qui fait souvent règle, quand on aspire à mettre des mots en marche, à mettre des mots sur la vie.

 

Nous sommes si souvent soumis à une politique du résultat et à croire que ce qui « fonctionne » conditionne la valeur, si souvent incités à ne pas voir la déconvenue comme une voie d’évolution, à ne pas exposer ses failles, à vouloir se préserver… Mais (pardon d’avance pour le poncif) arriver à destination a-t-il plus d’importance que le voyage vécu  ?
Il me semble qu’écrire est tout sauf se protéger. Ecrire, c’est affronter.
Écrire est fait de peurs – malgré le peu d’enjeu réel – de doutes, et d’un sentiment d’échec assez permanent en se relisant.
Ecrire, c’est autant noircir une page qu’avoir la certitude qu’il faut la mettre ensuite à la poubelle… et c’est ne pas toujours le faire. C’est cette victoire là. Sans même savoir si quelqu’un nous lira.
Aujourd’hui, j’ose dire « j’écris » et je trouve cela plus beau, un monde où l’on peut partir à l’aventure sans être obligé de le dissimuler avant d’avoir touché au but, un monde où l’on ose parler de ce que l’on est, de ce que l’on fait, de ce qui nous illumine, parler du présent habité avant que la fleur de ces heures n’éclose… ou pas.

 

Oui, désormais j’ose dire « j’écris » (et le faire quand je peux) sans trop craindre vos éventuelles attentes. Les miennes sont déjà bien assez lourdes à vivre et à porter, croyez-moi !

 

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Le doute

Ecrire est une crainte sublime.

 

Oser ne veut pas dire ne plus douter !

 

Une fois ce cap franchi, on ne pense pas s’être mis à écrire « de bonnes choses », on pense juste qu’il ne faut plus trop prêter attention à cette petite voix qui nous dit « ce n’est pas bon ».
On ne pense pas qu’elle a tort, cette pénible petite voix, mais on décide qu’elle ne doit pas avoir plus d’importance que l’envie qui nous tourmente.
On fait avec ce chuchotement. On le dédramatise. On le prend pour ce qu’il est : l’illusion que nous nous faisons des choses et de nous-mêmes.

 

On se laisse alors gouverner par le besoin, la persévérance, et une forme de plaisir (malgré certaines phases d’inconfort). On intègre le doute et travaille avec lui, pas celui qui inhibe, mais celui qui fait remettre son ouvrage sur le métier, et nous rend moins complaisant avec nous-même, celui qui permet de se questionner en permanence, et d’améliorer son texte. De questionner aussi ses véritables intentions, son envie, sa sincérité.
Quand j’écris, je ne me demande pas si c’est bien, je me demande si c’est juste.
Annie Ernaux

Peut-on apprendre à écrire ?

Suite au cabaret d’écriture, une même question m’a souvent été posée (d’où cet article) à propos des ateliers d’écriture : « Est-il possible d’apprendre à écrire ? »

 

La littérature est un monument bien complexant…
Il est donc assez inévitable de se demander si l’on peut oser se frotter à cet « art » du texte, et comment. Mais écrire ne veut pas dire prétendre à la plume de Proust ou Baudelaire ! Chacun y concevra un objectif différent.
En inscrivant votre enfant à son cours de musique, attendez-vous de lui qu’il devienne compositeur, ou un soliste de renom ? Non. (J’espère pour lui que non !)
Vous lui proposez une ouverture artistique, un nouveau mode d’expression qui allie sensibilité et technique, sans savoir s’il sera doué, ni dans quelle mesure. Vous lui faites confiance pour découvrir, progresser, en retirer une satisfaction, un épanouissement. La suite n’est que surprise.
Pour certains, cet apprentissage (que ce soit l’écriture, le violon, le tennis ou la danse…) semblera naturel, déjà en partie acquis, quand pour d’autres, ayant moins de facilités, tout se déploiera grâce à des méthodes rigoureuses, à de la patience, tout se travaillera, se construira de façon laborieuse… Et  d’autres auront beau donner le meilleur d’eux-mêmes, ils ne « sentiront » jamais vraiment ce qui fait le savoir-faire, ce qui fait la « grâce ». Alors, certes, ils ne pourront pas concrétiser certaines ambitions, mais ils pourront en retirer des bienfaits.

 

Lors d’un atelier d’écriture, personne ne démérite. Chacun a sa place et chacun participe à l’énergie du groupe. Certains se montreront plus doués pour imaginer une histoire et ses rebondissements, d’autres pour l’exprimer de façon saisissante, émouvante, et d’autres avec plus d’originalité… Certains auront un style parfaitement sobre, d’autres seront des maniaques de la métaphore… Certains seront nourris de leurs lectures, d’autres plus spontanés… Certains auront une imagination débordante, et d’autres excelleront dans le récit de leurs souvenirs… Certains auront une maîtrise du français plus approximative… Mais les uns et les autres auront écrit un texte à la fin d’une séance ! Avec plus ou moins d’aisance et de brio, mais ils auront tous franchi le même obstacle.
L’écriture est avant tout une barrière à franchir, une liberté à saisir. (Et tout un chacun peut l’expérimenter)

 

L’écriture est pour soi, avant de devenir un plaisir pour les autres, et d’être soumise à une notion (subjective) de « qualité ».

 

Cette question (« Peut-on apprendre à écrire ? ») se pose beaucoup en France, car jusqu’à ces dernières années, les ateliers d’écriture y étaient assez confidentiels, ou thérapeutiques.
Écrire de façon créative a longtemps semblé une activité de loisir réservée à quelques poètes et intellectuels, ou aux adolescents mal dans leur peau (tandis que dans d’autres pays elle faisait partie depuis longtemps des cursus universitaires) et nous avons gardé un certain scepticisme face à la possibilité d’écrire… à moins que la personne en question soit déjà écrivain(e) !
J’ai souvent constaté une drôle de stupéfaction ou d’embarras face à moi, en disant « j’écris » sans être  auteure de métier, alors que personne ne sourcille si vous dîtes « je fais du yoga » ou « je suis passionnée de voyages » et que ce n’est pas votre profession.

 

Dire « je me suis réservée une soirée libre pour écrire » est pris avec autant de sérieux et d’incompréhension que si vous annonciez « ce soir, je ne peux pas venir, je vais chanter sous ma douche ».
Si vous dîtes « Ce lundi, j’ai atelier d’écriture » ça s’éclaire un peu (à peine) sur le visage de votre interlocuteur, qui ne sait pas vraiment comment cela peut se passer d’écrire dans une salle ou en visio,  à plusieurs… Drôle de truc, hein ! Il se dit aussi (vous le lisez dans ses yeux et ses questions prudentes) que pour écrire, il faut être drôlement doué et que tout le monde ne l’est pas… que sans doute vous vous faites un peu des films… Mais il se dit que si ça vous fait du bien… bah, comme une psychothérapie, tant mieux pour vous.

L’écriture, comme la parole, est à tout le monde. Prenez-la.
Martin Winckler

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Apprendre à apprendre

On parle d’atelier d’écriture, et non de cours d’écriture… ce qui sous-entend que l’on va mettre les mains dans le cambouis. Bricoler. Expérimenter.

 

Dans cette question « Peut-on apprendre à écrire ? », il s’agit donc d’apprendre à faire et non d’ absorber un savoir.
En atelier, la plupart du temps, vous allez apprendre en essayant, en tâtonnant, en écoutant les retours et les textes des autres ; on ne va guère vous apprendre quelque chose au sens de « vous transmettre une connaissance » et assez rarement vous donner des méthodes sans vous les faire déduire dans la pratique ou vous les faire repérer dans des lectures…
De même, lors de master class (ateliers animés par un auteur de renom ou confirmé) on va vous guider à travers des conseils concrets, des exemples, parfois des exercices… on va vous enrichir d’expériences, mais qui deviendront votre propre savoir-écrire uniquement si vous mettez la main à la pâte !

 

Je me souviens d’une personne déçue, lors d’un atelier régulier, de ne pas avoir de « leçons » sur des outils tels que la concordance des temps, ou le juste emploi du passé simple…
Si vous souhaitez améliorer votre style autrement que sur le tas, et améliorer votre utilisation de la langue française et ses subtilités (votre maîtrise de la syntaxe, de l’orthographe, du vocabulaire…) faîtes dans ce cas plutôt appel à un(e) prof de français ou une personne rédactrice / correctrice faisant du coaching (j’y songe souvent pour moi, pour devenir plus rigoureuse) et surtout, lisez !

 

Un autre malentendu à clarifier autour de cette question de l’apprentissage en matière d’écriture est le suivant : suivre un atelier d’écriture n’est pas apprendre à être écrivain, ni même forcément à écrire un livre, bien que de plus en plus se spécialisent dans ce sens, pour répondre à une demande du public (avec des thèmes comme Écrire son premier roman) et poussent au fantasme de pouvoir se faire éditer. (En effet, même s’il y a peu d’élus, tout est possible.)
La plupart des ateliers ne nécessitent pas d’arriver avec un projet, et vous pouvez donc très bien vous inscrire pour le plaisir, sans cette ambition et surtout sans complexes ! 
N’attendez pas d’un atelier qu’il vous délivre le sésame vers le métier d’auteur, même s’il peut être un déclic important. Il vous ouvrira de nouvelles perspectives et vous aidera à avancer, à vous améliorer, à comprendre qu’un texte se relit et se travaille, voire à mener à bien votre travail en cours.

Qui m’apprendra à écrire ? désirait savoir un lecteur.

La page, la page, cette blancheur éternelle, la blancheur de l’éternité que tu couvres lentement, affirmant le griffonnage du temps comme un droit, et ton audace comme une nécessité.
Annie Dillard

Le désir

Cette question du désir est cruciale, et c’est peut-être pour cela que de nombreuses premières séances commencent par des exercices tels que « J’écris pour… » en guise de présentation.
Pourquoi écrit-on ou veut-on écrire à un moment de notre vie ? Il faut souvent toute une existence pour répondre avec justesse à cette question… Mais que désirez-vous en fréquentant un atelier d’écriture ?

 

Vous évaluer et découvrir ce que d’autres penseront de votre plume ?
Avez-vous un projet en tête ? Un objectif ?
Souhaitez-vous rencontrer d’autres personnes qui partagent la même passion et peut-être les mêmes déboires ?
Voyez-vous l’écriture comme un moyen de vous évader, vous divertir ?
Comme une habitude de vie, pour prendre un peu de recul et du temps pour vous ?
Un moyen de canaliser votre mental actif ?
Ressentez-vous l’urgence d’extérioriser des choses tues ? De vous libérer ? De vous défier ?
Imaginez-vous faire de l’écriture une clé de reconnaissance et de succès ?

 

Il peut être ardu de cerner ce qui nous y pousse. Les motivations sont multiples, et souvent opaques…
Mais pour savoir s’il est possible « d’apprendre à écrire » tel que, vous, vous l’envisagez, et donc pour mieux cibler l’atelier où vous inscrire (et éviter la déception) il vaut mieux – si possible – clarifier un peu son désir. Juste de quoi prendre un bon départ !

Voyez ce qui vous conviendra le mieux : de l’écriture créative et récréative régulière, pour prendre confiance, être capable d’accueillir toutes sortes de propositions, goûter à tous les genres, faire vos armes… ou à l’inverse, une master class ou un atelier sur une thématique bien particulière (la structure du roman, écrire de la poésie, maîtriser l’art du dialogue, la nouvelle et le conte, savoir construire ses personnages, aborder le récit autobiographique, l’univers du polar, etc.) ?

Vos motivations principales évolueront bien entendu avec le temps et la pratique…
Vous pouvez aussi (c’était un peu mon cas, la première fois que j’ai poussé la porte d’un atelier d’écriture) ne pas ressentir de désir particulier, mais un besoin, impératif…

 

Écrire est une aventure On ne sait jamais où cela nous mènera. Le chemin se  dessinera au fur et à mesure.
Noircir le papier est idéal pour s’éclaircir l’esprit.
Aldous Huxley
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Ce que j’en pense…

Vous l’avez compris, je suis persuadée que l’on peut énormément apprendre et progresser grâce aux ateliers d’écriture, et à l’expérience qu’on en retire, qui est le meilleur des enseignements… Et je suis convaincue que ce plaisir est à la portée de tous !

 

Mais d’autre part, je pense qu’il ne faut pas trop se focaliser sur cette volonté « d’apprendre » au sens strict (au détriment de celle d’apprendre à se découvrir dans la pratique d’écriture). Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à trop mettre l’accent sur les procédés techniques, sur des formules à appliquer, sur des recettes de scénario pour intrigue bien ficelée… et qu’il ne faut pas vouloir brûler les étapes, et se précipiter sur une recherche d’efficacité. Car l’écriture se vit, plus qu’elle ne s’apprend.

 

Je redoute, s’il est mal dosé, que trop de pragmatisme à l’américaine (les fondateurs et champions du creative writing) bride l’essentiel : la spontanéité, la dimension sensible, l’inventivité, et surtout la singularité de chacun.
J’ai peur qu’un tel excès uniformise peu à peu les récits… tout autant que les lecteurs, qui s’habituent inconsciemment à retrouver la même progression dramatique et bien rythmée dans une histoire, les mêmes ingrédients et ficelles pour maintenir leur attention, les mêmes archétypes…

 

Pour certains projets, il est en effet nécessaire de connaître des astuces pratiques qui aident à s’organiser, à mieux cerner ses personnages, à développer son intrigue, à structurer son histoire… mais il faut également savoir s’en détacher, pour faire ce qui nous ressemble.

Comme dans la vie, en écriture, le plus important est de se plaire à soi-même.

 

Je préfère voir l’écriture en termes d’expression d’une individualité et d’une sensibilité (avant de devenir une histoire, une forme littéraire identifiée) de plaisir, et d’exploration (goûter aux choses sans objectif prédéterminé) plutôt qu’en termes « d’apprentissage ».

À mon avis, le plus précieux et libérateur, qui peut s’acquérir en atelier d’écriture, est de trouver sa voix.

 

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 Trouver sa voix

L’enjeu réel et premier des ateliers d’écriture (dans une approche moins anglo-saxonne) est à mon avis d’apprendre à oser écrire, s’y autoriser, sans plus craindre non plus le regard des autres. D’apprendre à se libérer d’entraves et d’un mental trop calculateur, pour découvrir sa propre voix.

 

Cette voix correspond à ce qu’on appellera ensuite le style, le phrasé, la musique (si elle est marquée et reconnaissable) ou l’univers (le genre et les thèmes que l’on creuse, l’humeur qui colore nos récits, l’angle d’approche…) mais c’est en fait tout ce qui nous caractérise en écrivant, sans vouloir séduire ni reproduire… C’est notre façon de dire ou raconter les choses, nos points forts comme nos manies et mauvaises habitudes, ce pour quoi on est doué et ce sur quoi on bute… C’est également ce qui dessinera peut-être notre « pente naturelle » en nous conduisant toujours un peu du même côté, vers les mêmes sujets, émotions ou ambiances. Vers les obsessions qui nous hantent.

 

Il ne s’agit pas de chercher l’originalité, mais au contraire d’être soi. De s’incarner dans l’écriture.

 

Cette voix pourra s’affirmer, s’affiner, s’enrichir d’expérience et de « technique » (mais également se diversifier et renouveler au fil du temps) pour pouvoir ainsi aller à la rencontre d’un éventuel lecteur sans chercher à tout prix à plaire ou imiter. Une vraie rencontre.
(Le partage est tout de même la finalité de l’écriture)

 

J’écris seulement si quelque chose me coule du coeur jusqu’aux mains.
Christian Bobin

L’instinct

J’ai cette foi que chacun a une voix intéressante à déployer, et même sans « maîtrise » de l’écriture, tout comme les enfants font de merveilleux dessins. Des dessins qui ont une personnalité, une liberté naturelle, des dessins qui nous montrent comment ils voient le monde. Car écrire c’est cela, c’est un regard et une personnalité, avant de devenir des mots.

Je crois en un potentiel créatif inexploré en chacun d’entre nous.

(Montrez quelques haïkus à des personnes n’ayant jamais écrit de poésie, et proposez-leur d’essayer de façon approximative, sans les contraindre avec le nombre de syllabes… Il y aura de vraies pépites !)

 

Écrire est en grande partie retrouver sa créativité, son enfant intérieur.

 

Je crois en l’écriture comme pratique de liberté. Et d’honnêteté.
Et je crois beaucoup à l’instinct, en écriture. J’y crois davantage qu’en la « méthode ». Pour moi, celle-ci arrive ensuite, pour soutenir le coeur véritable d’un texte. Pour permettre de porter une intention, de lui donner forme, si besoin.

 

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Apprendre à se connaître

Grâce aux ateliers d’écriture vous apprendrez aussi à écouter… et à vous écouter.

 

Vous prendrez du recul sur vos textes mais aussi sur vos besoins et habitudes les concernant. (Ex. Écrivez-vous mieux en 15 minutes chrono ou en 1 heure ? Avez-vous plus d’imagination en choisissant votre sujet ou en suivant une consigne et une contrainte ? Quand la forme est libre, allez-vous naturellement vers de la poésie ou de la prose ? Etc.)
Et peut-être ne vous culpabiliserez-vous plus en lisant certains conseils.

 

On entend par exemple un peu partout qu’apprendre à écrire c’est essentiellement s’astreindre à beaucoup écrire, si possible tous les jours !
Mais il n’y a pas vraiment de règles. Il faut découvrir les siennes.
Pour certains, la pratique a besoin de se vivre en abondance, pour d’autres, comme moi (en tous les cas jusqu’à présent) écrire sera un nombre de mots très restreint, mais des heures entières, des jours entiers, à accéder à cet état intérieur extraordinaire qu’il faut puiser dans l’ordinaire, comme le dit Annie Dillard.

 

À ce propos, j’avais d’ailleurs écris un témoignage pour les ateliers Bohaime :
Spontanément, j’écris peu et peu souvent. Je veux dire l’acte d’écrire. Je contemple longtemps l’idée. J’utilise un alambic émotionnel. C’est un lent procédé, d’où quelques mots vont couler… J’attends dans le silence, les heures de solitude, cet instant où tout se forme et où la goutte, une fois alourdie et mûre, pourra se précipiter à ce qui me semblera une vitesse sidérante, vertigineuse.
De ces temps respectés, de cette distillation, sort une substance concentrée, imprévisible, et qui me devient précieuse. C’est à la fois une chance, ce désir permanent né de l’attente, cet émerveillement renouvelé, cette satisfaction des mots comme une liqueur rare. Et c’est un peu décevant aussi, ce décalage entre la valeur que l’écriture revêt pour moi, le temps qu’elle réclame, la rareté de l’acte, et cette récolte maigre et simple. C’est troublant, cette sensation de se consacrer longtemps à ce qui précède mais qui en ce monde n’a pas de nom ; ce que j’appelle déjà écrire. Il me semble que j’écris toujours, et depuis toujours, mais dans un lieu intime et profond. De façon méditative.
Voilà pourquoi les ateliers d’écriture me font du bien. Ils me proposent une autre mise en condition, un autre rythme, d’autres surprises et mécanismes. C’est un élan, une bousculade, une bouffée de vivacité !

 

Personnellement, j’ai besoin de me bousculer de temps en temps pour « déclencher l’écriture » mais en revanche je ne suis pas une adepte des méthodes poussant à un nombre de caractères à produire ou à un nombre d’heures de travail quotidien à respecter…
Car si j’aime écrire, c’est aussi pour fuir un modèle de « productivité » et respecter mon rythme et ma nature cyclique !
J’ai néanmoins conscience qu’un planning rigoureux et régulier, voire contraignant (en écriture, la contrainte est souvent fertile !) permet d’avancer plus vite et que, pour un autre projet, mes habitudes pourraient changer…
Mais pour les formes littéraires que je creuse actuellement, j’ai découvert que ma sensibilité, pour s’exprimer, a grand besoin de ces montagnes russes, de ces processus d’attentes, de maturation, de lâcher-prise, d’infusion, d’emballement soudain, puis de digestion, et même d’indigestion lors des phases de corrections ! Tout compte. Quand j’essaye autrement, ça ne me satisfait pas.

 

Le moyen de bien écrire, c’est de vivre intensément.
Virginia Woolf
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Qu’ai-je appris en atelier d’écriture ?

 

Une multitude de choses ! Mais pour faire bref, voici quelques enseignements que vous pourriez tirer / expérimenter à votre tour…

 

  • J’ai appris à me laisser surprendre par les mots qui viennent (pour répondre à une consigne) sans élaborer d’idée au préalable, à me réjouir de ce processus et à dédramatiser si je ne me trouve pas toujours très inspirée.

 

  • J’ai appris à reconnaître l’étincelle qui peut me mener à écrire et à ne plus toujours attendre l’inspiration divine !

 

  • J’ai appris à dépasser mes (énormes) complexes. À oser montrer mes textes.

 

  • J’ai appris qu’écrire est une autre manière de chanter, c’est une voix. On peut la travailler, mais il faut l’accepter. S’accepter.

 

  • J’ai appris à entrevoir mes facilités et mes lacunes, mes moteurs et mes empêchements… (et non l’image que je m’en faisais !)

 

  • J’ai appris que l’on est rarement le meilleur juge pour son texte. (Même si l’on est la seule personne à devoir en être satisfaite. C’est un des paradoxes insolubles. Il faut faire avec !)

 

  • J’ai appris à écouter un texte d’une oreille plus fine et attentive. Et à savoir être admirative sans me comparer, sans me juger, sans aucun sentiment de compétition.

 

  • J’ai appris la bienveillance et les encouragements mutuels. J’ai appris qu’un atelier d’écriture est une expérience humaine. Lorsque le chrono tourne et que chacun est penché sur sa feuille, une énergie collective un peu magique nous porte… Écrire ensemble crée un lien fort. Ce sont beaucoup d’émotions partagées, comme si nous traversions « pour de vrai » toutes ces aventures et ces confidences dans lesquelles nos plumes nous ont entraîné(e)s.  C’est se montrer sans fard, ou si peu…

 

  • J’ai appris la somme de travail qui m’attend une fois l’adrénaline du premier jet passée.

 

  • J’ai appris qu’un texte, même réussi, n’est pas toujours compris comme on le souhaiterait. Qu’il appartient à chaque lecteur.

 

  • J’ai appris que l’écriture n’est pas réellement une activité solitaire. Elle est faite pour susciter un échange. Et se nourrit d’échanges.

 

Si jamais l’aventure vous tente, il se peut bien que mon cabaret d’écriture rouvre ses portes… Suivez-moi sur Instagram pour être tenu(e) informé(e) !

Et aujourd’hui je sais qu’écrire
c’est céder la place
une bonne fois
à celui qui lira
ou ne lira pas (…)
Jeanne Benameur

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Un dernier petit mot…

Pour écrire, tout comme un artisan, aimez votre matériel, trouvez le précieux et digne d’un rendez-vous amoureux. Et créez les rituels qui vous font plaisir.

En photos dans cet article, quelques objets dont j’aime être entourée… comme les bougies à la cire d’abeille Miel du creux du petit bois, ou ma tasse et mon bougeoir Les mainspirées.

Je vous embrasse et vous souhaite d’oser. À vos stylos ou claviers !

Claire