Comme la lumière du matin.
J’ai écrit cet article comme des retrouvailles effarouchées. J’y ai mis de cette lumière qui apparait au petit matin, sous le volet. J’y ai mis mon rose au joue, mes doigts tachés de framboises, mon sourire un peu gênée de réapparaître ici après tant de temps… J’y ai glissé une envie de parler de choses très vastes à partir d’un petit grain de rien… et cette couleur du matcha qui me laisse sans voix !
Que rien ne soit figé
Je voulais vous dire que oui, le temps passe, que oui on change, tout le temps, en plus de voir changer les choses autour de soi… (comme si vous ne le saviez pas !) mais vous dire aussi de ne pas en avoir trop peur tout le temps. Et me le redire à moi-même, surtout.
Il peut être agréable de voir les cartes se redessiner. Que rien ne soit figé.
Il a la peau dure en nous, cet idéal cultivé de stabilité, de convictions à avoir, comme le top moumoute de la maturité. C’est de bonne guerre, c’est notre manière de contrecarrer un peu l’impermanence…
Habitués à chercher des constantes, nous avons tendance à croire que la vraie vie, la sorte de croisière qui nous attend, celle dont on pourra profiter, commencera vraiment si un équilibre est trouvé, si un palier de « réussites » est atteint et quelques certitudes bien ancrées. (Une fois le CDI signé, une fois mariée, une fois que le petit fera sa nuit…)
Mais la vie, c’est visiblement cette suite de contre-temps, de recherches, ces gesticulations que l’on fait pour y arriver, ces explorations, ce sable mouvant de nous même. Qu’il faudrait apprendre à aimer.
On tend le cou, évidemment, vers le meilleur et le doux, vers le sûr, le rassurant. Mais nous savons au fond de nous que la vraie grâce c’est cette inclinaison, ce tropisme, ce mouvement. Pas une position.
Notre société (dont le point fort n’est pourtant pas de miser sur le durable) nous vend le rêve de ce qui est « sûr et certain ». Elle nous habitue à chercher des garanties. Elle nous conditionne à (croire) tout savoir, tout maîtriser, à avoir au moins 3 jours d’avance sur la météo aussi… Mais on paniquerait drôlement moins dans la vie quand une bourrasque se lève, si l’on ne pensait pas que tout doit toujours se passer comme nous l’avions planifié. Ah, l’enfer que nous vivons quand ce n’est pas le cas ! (Pas vous ?)
Minuscule
Parfois ce sont de toutes petites-petites choses sans importance, mais alors vraiment aucune, qui nous rappellent nos fluctuations naturelles ; notre capacité à dire je ne sais pas, ou à changer d’opinion, et que rien n’est acquis. Que rien n’est immuable. C’est minuscule, et tout de même ça surprend. Et ça compte. Peut-être comme un premier pas sans conséquences à moins redouter les changements. Pour moi, en tous les cas.
J’ai dit si souvent Je n’aime pas le matcha (en ajoutant « sauf dans les pâtisseries » !) que j’y croyais. J’en étais sûre. Presque embarrassée en certaines occasions, un peu seule comme on peut l’être devant ces unanimités qui vous excluent. (Un peu comme lorsque je dis que je n’ai pas aimé La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Oh la la, rien à voir, je m’égare). Mais un jour, je me suis montrée plus nuancée, plus imaginative. Je n’ai pas répondu Je n’aime pas le matcha, mais : Je n’ai peut-être jamais bu un matcha à mon goût…
Je me suis surprise à l’évoquer comme une rencontre possible. A voir l’absurdité des positions campées si longtemps par habitude, que l’on ne se pose plus de questions.
Et en rentrant chez moi (vous me croirez ou pas) j’avais reçu du matcha !
Teaura
Il m’a été offert par la jolie maison Teaura, basée à Londres et à Zürich, mais qui expédie du thé dans le monde entier. Nous avions échangé plusieurs fois malgré mon anglais enfantin, avec Jamie (que celles qui regardent Outlander lèvent la main !) puis Bauhinia, la co-fondatrice, sur mon bonheur à boire le thé, sur les recettes où j’en incorporais et sur la possibilité que je me fasse un peu l’ambassadrice de ces boissons qu’ils sélectionnent avec tant de passion et de soin.
Je commençais donc par pâtisser avec ce beau matcha… Et j’allais découvrir pour la première fois le plaisir de le boire aussi ! Je le trouvais même extraordinaire en comparaison de mes expériences passées. La première révélation fut son parfum : si puissant et frais, presque chlorophyllé, qui évoque l’herbe fraîchement coupée. En bouche, ses notes étaient très douces, presque sucrées, même, dans une légère âpreté, sans amertume, avec cette pointe d’unami que l’on a tant de mal à expliquer. C’était décidé, j’allais vous en parler ! Et partager aussi (un peu plus bas) une recette de financiers aux framboises & matcha dont on ne se lasse pas.
Me voilà en quête d’un chasen, ce petit fouet à thé, pour le déguster dans les règles de l’art… J’ai fait ma petite enquête aussi… Il semble que tout ce qui se commercialise sous le nom de matcha ne soit pas toujours à la hauteur. La variété des prix est un bon indicateur. Pour 30 à 40 grammes de thé, il faut compter 12 à 15 euros, pas moins, pour un produit de qualité. Et au minimum une vingtaine d’euros pour une qualité supérieure. (Non, je ne pousse pas à la dépense, mais au plus authentique. #onnenboitpastouslesjours et puis c’est tout !)
Il faut savoir que l’intensité de la couleur vive du matcha est en fonction de son excellence. Et que la meilleure provenance semble être la région de Kyoto. S’il est de bonne qualité, sa mousse, formée de petites bulles, sera moins éphémère. Soyez confiants également s’il est garanti bio et si la marque vous précise que ses feuilles ont bien poussées à l’ombre, que les plus jeunes ont été cueillies à la main, puis moulues sur meule de pierre de façon traditionnelle, aussi finement qu’une farine. C’est ainsi que cela doit se passer.
Tant d’articles listent les vertus de ce breuvage… que je ne vais pas recommencer. (Mais si vous en avez envie, en commentaires, nous pourrons en parler.)
Après avoir bu le thé
Quand les choses certaines vacillent, même minuscules, vient un moment propice à regarder en soi. J’ai contemplé dans ces petits grains tout fins, ma capacité à évoluer, je crois. Et à semer (dans le sens de laisser derrière moi) quelques certitudes. Quelques illusions, en fait.
Je me dit qu’avec le temps les lignes bougent et sont plus floues. Tout comme notre vue se brouille un peu. Les choses n’en seront pas moins justes. Dans le moins précis, le moins tranché, il y a le plus nuancé, le plus complexe, le plus tolérant, le plus fascinant. Et des bonheurs plus mobiles.
Dans le temps qui passe et dans l’impermanence, il y a ce doux mélange savant de commencer à vraiment se connaître, à savoir ce qui nous sera bénéfique, sain, stimulant, positif, ou salutaire, ou pas… à connaître nos écueils et nos forces d’empêchements, nos entêtements… Et cette sensation de se découvrir à l’infini, de ne plus s’accrocher à un radeau d’aprioris, mais de nager plus librement, plus loin des intransigeances.
C’est parfois très libérateur, apaisant, de comprendre que rien n’est posé à sa place pour trop longtemps. Comme la lumière du matin qui passe et s’en ira à travers les volets. Pas d’éclat, mais une impression émue. Rien qui n’inonde, juste un rai tremblotant. Un bien-être subtil. Une joie.
Alors je me dis que cela doit être ça aussi, vieillir.
Claire
RECETTE
Financiers Matcha & framboises
Pour 8 petits gâteaux individuels
- Faites fondre 80g de beurre ou margarine bio de qualité (100% végétale et sans huile de palme).
- Dans un autre récipient, mélangez 40g. de farine de riz complet avec 60g. de poudre d’amande, 100g. de sucre blond (ou complet, type Muscovado ou Rapadura), 1 cuillère à café de thé Matcha et 1 bonne pincée de sel.
- Incorporez 4 blancs d’oeufs (de poules qui courent !) puis la matière grasse fondue. Mélangez.
- Remplissez des moules à muffin graissés, et déposez au centre 2 framboises (fraîches, ou surgelées si ce n’était plus la saison) et parsemez d’éclats de pistaches.
- Enfournez pour 15 minutes environ à 200°C chaleur tournante.
Pour une version Matcha et chocolat, qui a toujours beaucoup de succès, vous pouvez ajouter dans la pâte 100g. de chocolat noir spécial pâtisserie coupé au couteau (ou de grosses pépites) et/ou déposez un carré de chocolat entier à moitié immergé à la place de la framboise).
Pour une version Matcha, framboise et chocolat, vous pouvez déposer au centre un carré de chocolat ou une petite cuillère de pâte à tartiner (type Nocciolata) + une framboise !
Très heureux dimanche à vous !
Oh là là ! le bonheur de goûter une si belle littérature avant de pouvoir déguster ces beaux financiers matcha & framboises. On en redemande. Merci Claire
Merci, vous êtes mes « supporters » de toujours ! ♡
Eh bien Claire, « vieillir » dans une danse plus subtile, plus affinée, plus imaginative, émerveillée des nuances généreuses d’un vert poudré, de la perle rosée d’un grain de framboise, du silence habité, de mots qui tendent à l’indicible et à la poésie, je dis, oui, bien volontiers !
Merci,
Sophie
Tu nous le dis d’une si belle façon, Sophie ! Merci de tout coeur !
Quel plaisir de te lire de nouveau, Claire !!
Et ce billet me donne envie de gouter au thé matcha, et faire ces petits financiers.
Merci à toi !!
Oui, me revoilà ! 🙂
Merci beaucoup, et j’attends ton opinion, si tu testes ma recette et/ou le matcha !
Belle semaine, Claude !
Très joli texte sensible, belle épaisseur du temps qui peut se faire allié si on ne cherche pas à l’affronter vainement….
Merci Françoise !
J’aime beaucoup ta formule, qui rend si évidents mes tâtonnements ! Je la garde à l’esprit.
Comment ne pas succomber ! Les mots, les photos, la recette sont de véritables ‘petits bonheurs’ à consommer sans modération. Un moment que j’ai envie de tester le thé matcha, comme toi je gardais l’idée de le pâtisser mais qui sait, il deviendra peut être le compagnon de quelques jolis moments de pause … Merci pour ce partage, c’est toujours un régal de te lire. Belle journée ***
C’est si agréable pour moi, une lectrice aussi réceptive… et gourmande… et curieuse !
Vraiment heureuse de te retrouver ici. Merci !
Beau week-end !
J’ai dévoré votre texte qui est sublime, et je ne parle pas de cette recette que j’e vais très rapidement tester et sûrement apprécier aussi.